Pestourie, Roger

Roger Pestourie naît le 16/05/1920 à Gignac, Lot, France (FR) - décès le 17/01/2011

Entrée en résistance :

Arrestation : Pas d'arrestation

Interventions

2009 / Villeurbanne / Rize

  • Date du témoignage : 08/03/2009.
  • Contexte : Témoignage au cours d'un événement présenté par Sonia Bove et Charles Roche, introduit par la Chorale Les Ans Chanteurs, avec une œuvre en toile de fond de Madeleine Lambert, plasticienne. Marie-José Chombart de Lauwe a témoigné au cours du même événement à sa suite.
  • Source : AFMD du Rhône (publication le 08/03/2023)
  • Date d'ajout à la base : 06/03/2023
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Ceci est la transcription brute du témoignage de Roger Pestourie, sans coupe, sans montage.

Roger Pestourie :

00:14:50 : Je suis très émue et très heureux de me retrouver ce soir parmi vous, je suis très sensible aux paroles que nous venons d’entendre. Je veux saluer cette grande dame qui est à mes côtés et que nous écouterons dans un instant. Vous savez dans la Résistance la part des femmes a été très grande c’était ce qu’on appelait un temps démesuré, il y avait bien sûr des copains qui tombaient et il y avait les événements mais il y avait cette jeunesse pour ce qui me concerne qui était la nôtre et quand je découvre que vous aviez 17 ans j’en suis ému parce que j’avais 20 ans moi en 1940. Il y avait à ce moment-là ce qu’on appelait la distinction, pour nous la coquetterie, c’est cette coquetterie que nous avions dans la clandestinité cette coquetterie de la femme que vous avez véhiculé ce soir jusque vers nous, qu’est-ce que vous êtes coquette madame ! et comme ça me rappelle ma jeunesse. Comme ça me rappelle ce temps de la Résistance parce que il faut vous dire que nous étions très amoureux dans la Résistance, nous étions tous des volontaires nous étions pas des soldats mobilisés, nous avons fait des choix, nous avions choisi des valeurs, il y avait ce compagnonnage hommes et femmes, il y avait ce regard que nous croisions, il y avait cette confiance et il y avait cette coquetterie de la femme, il y avait pour nous ce besoin non seulement de rencontre mais d’amour d’ailleurs, les poètes, les écrivains ont bien su l’exprimer que ce soit Paul Éluard ou d’autres, c’était un monde qui me rappelle des moments extraordinaires vécus parce que lorsqu’il y a à la fois le sang, les copains qui tombent, lorsqu’il y a les pulsions, lorsqu’il y a le ciel, la terre, le monde, les valeurs que nous défendons et bien je pense que l’amour c’est quelque chose qui est triomphant parce que c’est peut-être la raison essentielle de notre parcours.

Vous savez la Résistance on peut en mourir mais l’amour on peut en mourir aussi.

00:18:13 : Lorsque j’étais au Secours populaire j’avais une camarade qui s’appelait Denise Bastite, cette camarade a été arrêté après un travail remarquable dans la Résistance, elle s’est fait un nom d’ailleurs en déportation, il y avait l’admiration de ses collègues pour le travail qu’elle avait fait, elle avait eu une aventure amoureuse avec un compagnon de lutte hélas à la Libération ce compagnon est retourné chez sa femme auprès des siens et elle s’est retrouvée toute seule et Denise Bastite cette personne extraordinaire s’est remariée et a eu un enfant mais elle a pas pu oublier cette part affective, ce temps de la Résistance et en dépit de cela, en dépit de cette construction elle a pas supporté, elle qui était députée de Saint-Étienne, cette personne extraordinaires, elle s’est suicidée. Vous voyez on peut mourir d’amour et ça c’est un grand enseignement l’enseignement de la Résistance c’est surtout le moyen de conquérir l’humanisme et la beauté des choses voilà ce que je voudrais dire en préambule.

00:19:40 : Je voulais souligner aussi que la Résistance a été un moment important mais sans les femmes la Résistance n’aurait pas pu se faire comme elle s’est déroulée avec tout ce que je viens d’exprimer. Les femmes dans la Résistance c’est un compagnonnage, c’était pas simplement des dactylos, des agents de liaison, c’était aussi des femmes qui savaient prendre des responsabilités qui savaient donner des directives, d’ailleurs il y a eu des associations, il y a eu l’Union des Femmes Françaises.

00:20:45 : Ce soir devant vous me vient en mémoire une camarade que j’ai connu en particulier c’était Francine Fromont c’est une personne qui avait quitté son compagnon, son ami lui avait dit écoute je peux plus rester avec toi parce que je me suis engagée j’ai des valeurs à défendre et elle est partie elle est partie à Moscou où elle est restée 2 ans parce que au moment de la Résistance on allait aussi bien à Londres qu’à Moscou et puis 2 ans après elle a été parachuté ici en France avec Raymond G. et je l’ai eu à ma disposition ici dans ce département du Rhône et elle habitait à 30 km d’ici et cette personne connaît les renseignements qui venaient d’Angleterre, qui venaient de Moscou, c’était un personnage extraordinaire il y avait sa maman là-bas dans cette localité et elle a été arrêté parce qu’il y avait Barbie ici à Lyon, elle a été arrêté avec sa maman et on a torturé, on a tué sa maman sous la torture pour qu’elle parle, pour qu’elle avoue on l’a condamné à mort, on l’a fusillé. Francine Fromont. Voilà une image que je garde comme un symbole de cette souffrance mais aussi de cet héroïsme de ce combat mené, de cette particularité des femmes dans la Résistance c’est que nous n’avons aucun exemple, jamais aucune femme n’a parlé sous la torture alors que nous avons certains camarades qui n’ont pas résisté et ont parlé sous la torture. Il y avait cette volonté farouche, il y avait cette détermination, il y avait ce particularisme, qui faisait que la femme se distinguait pas la Résistance par son courage et son opiniâtreté c’est ce que je voudrais rappeler ici ce soir et je voudrais parler de mes femmes, de mes agents de liaisons, j’ai eu 7 agents de liaisons et bien sur les 7 il y en a deux qui ont été arrêtés et qui sont mortes en déportation il y en a une troisième qui s’est suicidée elle avait été voir mon épouse il y a 25 ans lorsque c’était les derniers temps où elle est partie et ma femme m’avait dit ne m’envoie plus de camarades car ce qu’elle m’a dit c’est terrible pour moi et cette femme s’est suicidée parce qu’elle n’a pas supporté ce temps de la Résistance, ce qu’elle avait vécu, ces humiliations qu’elle avait subi voilà aussi ce que c’est que la Résistance.

00:23:40 : Et puis j’avais ma petite Marie. Ma petite Marie ici à Lyon elle avait 18 ans on l’avait mise à ma disposition c’est l’Union de la Jeunesse Juive qui il avait mise à ma disposition elle a été arrêté elle a été violée et elle a été fusillé quelques jours avant la libération de Lyon voilà le symbolisme d’un parcours où il y avait à la fois cette souffrance où il y avait nos sentiments, il y avait nos pulsions, il y avait en définitive l’amour. Voilà des choses qui pour moi restent dans ma mémoire qui pour moi me poursuivront jusqu’à la dernière minute du temps où je vais rester parmi vous et je voudrais ici rapidement saluer une camarade Odile Réa on m’a mis en liaison avec elle que j’appelais la benjamine de Villeurbanne je me souviens le 11 novembre 1943 parce qu’il y a eu les arrestations où il y a eu 400 arrestations tout était détruit, toutes nos structure ont été démoli et j’ai envoyé Odile Réa pour reconstituer l’organisation et elle m’a posé la question elle m’a dit qui je vais remplacer ? j’ai dit ils sont tous morts ! et elle rappelle aujourd’hui j’avais 20 ans, voyez un petit peu les choses se passent c’était à Grenoble que ces choses se passaient voilà comment les souvenirs me reviennent et quand je pense à Odile réa je pense aussi à ce temps à ces réunions disons ce compagnonnage des hommes des femmes, moi j’étais un garçon de 22 ans, je me pensais en Conquérant j’ai appris à la Libération, par Odile justement, qu’on m’appelait le vieux vous vous rendez compte un petit peu le vieux j’ai encaissé ça ! j’ai enregistré ces choses-là ça voulait dire que j’étais sans doute pas commode mais il y avait quelque chose dans mon tempérament, il y avait quelque chose dans ma démarche. Quand je suis arrivé à Lyon j’avais perdu ma maman je m’interrogeais toujours avant qu’elle parte pourvu qu’on t’arrête pas pourvu qu’on t’arrête pas parce qu’elle savait pas du tout quelle était mon activité quand je suis venu ici à Lyon je suis venu avec cette souffrance et si j’avais été fusillé ou guillotiné mon dernier mot n’aurait pas été pour dire vive la France ou vive le Parti communiste, il aurait été pour dire maman ! Merci !

Compléments biographiques

Roger Pestourie a été l’un des fondateurs de la Sécurité Sociale dans le Rhône, chargé par Jean Moulin d’unifier les mouvements de jeunesse de la Résistance dans la région lyonnaise, militant communiste, résistant ; membre de la direction fédérale du Parti communiste dans le Rhône ; membre du conseil municipal de Bron (Rhône).

Sources et compléments d'informations

Pestourie, Roger
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