Bernard, Georges

Georges Bernard naît le 09/01/1921 à Saint-Nazaire, Loire-Atlantique, France (FR)

Entrée en résistance :

    — il distribue des journaux clandestins
  • rejoint le réseau Périclès — il devient agent P2

Arrestation : Arrestation pour faits de résistance à Paris, - par "la Gestapo française" (bande Bonny-Lafont formée par l'inspecteur de police Henri Lafont)

Détention avant déportation :

  • à la prison de Fresnes
  • au camp de Compiègne-Royallieu jusqu'au 06/04/1944

Déportation de répression en 1944 :

  • au camp de Mauthausen avec affectation au kommando de Melke — matricule 40946
  • au camp de Ravensbrück jusqu'au 30/04/1945 - libération

Interventions

2009 / domicile de Georges Bernard

  • Contexte : Georges Bernard a accepté de témoigner à son domicile.
  • Source : AFMD du Rhône (publication le 07/03/2023)
  • Date d'ajout à la base : 06/03/2023
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Ceci est la transcription brute du témoignage de Georges Bernard, sans coupe, sans montage.

Partie 1

00:00:14 : Je m’appelle Bernard de mon nom, Georges de mon prénom.

Je suis né le 9 janvier 1921 à Saint-Nazaire Loire-Atlantique. J’ai été élevé en partie à Saint-Nazaire et en partie aux environs d’Angers parce que mes parents étant venus alors que j’avais six mois ils sont venus chez mes grands-parents maternels Irigné un petit patelin à 7 km d’Angers.

Au cours d’une partie de pêche mon père a voulu rattraper un bateau qui s’en allait il a pas pris suffisamment de précautions, le soir il claquait des dents et 3 jours après il était mort. Ma mère est repartie tout seul vers Saint-Nazaire, elle m’a confié à ma grand-mère paternelle, j’alternais, ça dépendait des niveaux scolaires, l’école primaire je l’ai fait à Irigné, après pour le secondaire je suis retourné à Saint-Nazaire.

00:04:53 : Mes parents alors que j’avais six mois sont venus à Angers, mes grands-parents paternels tenaient un hôtel alors ils sont venus en vacances quelques jours et mon père au cours d’une partie de pêche il a sauté à l’eau pour rattraper un bateau, il a attrapé froid, 3 jours après il était mort et j’ai donc été orphelin de terre des l’âge de 6 mois j’ai pas connu du tout mon père j’avoue que ça me manquait terriblement. Ma mère est revenue tristement vers Saint-Nazaire d’où elle était originaire, elle a ouvert un atelier de couture, couture pour dame et elle a fait les costumes pour homme et des manteaux aussi pour les dames, son commerce marchait bien.

00:06:07 : Alors quand j’étais en enfance à l’âge primaire j’étais à Irigné à côté d’Angers et j’allais en vacances à Saint-Nazaire et arrivé à l’âge de la 6e c’était l’inverse. Pendant la guerre, j’étais assez chétif quand j’étais gosse, j’ai pris un peu de retard mais enfin je suis arrivé quand même à Saint-Nazaire j’avais 12 ans quand j’ai commencé ma 6e, et puis j’ai été jusqu’au bac à Saint-Nazaire. A Saint-Nazaire où avait débarqué les anglais en 39, j’étais souvent fourré avec eux je faisais des beaux progrès à ce moment-là j’apprenais l’anglais au collège, mon professeur m’a dit vous faites des progrès j’étais tout le temps fourré avec eux les soldats et en particulier je leur servais pour traduire les petits mots qu’ils envoyaient à leurs amis qu’ils s’étaient faits en France. C’est un souvenir joyeux.

00:07:58 : Et en 40 sont arrivés les Allemands et là je suis reparti à Angers. Par la suite je suis monté à Paris, j’étais étudiant en droit à Paris, la faculté de droit, et c’est là que j’ai été contacté par un garçon qui connaissait un petit peu ma famille mais il m’a bien ausculté avant de me mettre au courant, c’était pas rien d’introduire quelqu’un dans la Résistance fallait savoir à qui on a affaire.

Lui il était à un grand mouvement qui s’appelait Défense de la France et pour son compte j’ai distribué quelques journaux, quelques prospectus, j’étais en danger bien entendu mais enfin j’en ai pas fait tellement étalage et puis au bout d’un certain temps il m’a dit mais il va y avoir à Lyon une école de cadre qui va se créer, une sorte de Saint-Cyr pour les éléments du maquis. Alors je suis venu à Lyon j’ai été planqué pendant 15 jours dans le quartier des facultés et puis ensuite j’ai été envoyé dans le massif du Grésivaudan à côté de Grenoble et c’est vraiment là que je suis rentré dans la Résistance. Auparavant j’avais une vie double. Tandis que là j’étais vraiment agent P2 entièrement à disposition de la Résistance.

00:10:27 : On a fait des sessions pour préparer les cours. C’était tout à fait récent cette nouvelle forme de résistance. Nous avons été interpellé par les associations qui nous ont appelé en Bretagne dans le Périgord, notre mouvement s’appelait Périclès, le service Périclès, c’était rattaché au MUR Mouvement Uni de la Résistance. J’ai été envoyé à un petit patelin qui s’appelle Tansintes [orthographe à vérifier] les premiers temps je pouvais pas faire beaucoup d’exercice parce que j’étais venu avec des chaussures de ville, tu aurais dû prendre des grosses godasses, on m’a dit de venir de la façon la moins voyante possible de telle sorte que en gare de Perrache parce qu’à l’époque il y avait qu’une gare, en face de moi j’avais bien vu qu’il y avait 2 garçons qui était en tenue scout, grosse godasses, soulier fermé et tout il disait parce que c’est pour vous dire qu’il y avait des maladresses qui étaient commises, c’était un gars qui allait d’un groupe à l’autre et qui nous donnait le billet pour aller à Grenoble, ça aurait pu être remarqué par quelqu’un d’hostile et ça l’a pas été et alors il disait : tu as vu le petit bonhomme là-bas qui s’en va ? il a une petite valise en osier il est habillé comme tout le monde il part dans le maquis alors si on pouvait être comme ça et moi je voyais tous leurs équipements je disais si je pouvais être à leur place malheureusement l’un d’eux est mort à Buchenwald et l’autre a été un certain temps prêtre et après il a changé d’orientation.

00:13:43 : Nous voilà à Grenoble, à Grenoble on nous emmène à Tansintès et là on est dans des chalet d’alpage qu’on avait mis à notre disposition bien ou qu’on avait pas attendu qu’on nous donne la disposition et on y est resté jusqu’au mois de septembre jusqu’à ce que l’Italie se déclare, se désolidarise des Allemands. Il y avait le gouvernement Badoglio, y’avait un armistice et les Allemands l’ont pas entendu de cette façon de quoi ils ont occupé toute la région ça englobait Grenoble bien entendu et puis quand est arrivé le mois de septembre je crois nos chefs se sont rendus compte que jamais quand le mauvais temps serait venu, jamais on pourrait tenir la position c’était trop haut, ça correspondait à la station de ski Les Sept Laux.

00:15:38 : Et puis j’ai migré dans le Jura dans le Jura, on est arrivé à Saint-Claude, Chassa, on est parti…c’est pas loin de la frontière suisse il y avait des sessions alors on est resté un certain temps, de temps en temps il y a des camarades qui partaient dans une direction déterminée parce qu’ils avaient appris les rudiments de ce qu’il fallait savoir pour enseigner aux autres et un jour ça a été mon tour on m’a dit tu pars sur Paris tu vas rejoindre Pontcarral c’est un gars que j’avais connu dans le maquis de Tansintès, il m’attendait là-bas à Paris et il m’a dit bah écoute patiente un petit peu parce qu’on sait pas encore dans quelle région on va nous envoyer on a failli partir en Dordogne en Bretagne et finalement nous sommes partis pour la Normandie pour les environs de Pont-Audemer. C’était un maquis qui avait été constitué par un garçon qui s’appelait Robert Leblanc, mon copain était beaucoup plus calé que moi au point de vue militaire, il a commencé à donner ses cours et puis au bout d’un certain temps il a été interrompu nous étions attaqué par les Allemands, par les français, les GMR, les GMR était une milice avant la milice, ça correspondait aux idées Pétainistes c’est eux qui étaient chargés de maintenir l’ordre. Leblanc nous a dit je vais faire éclater mon maquis et vous vous repartez pour Paris parce que ici vous courrez des risques inutiles alors allez donc à Paris et je vous referai contacter.

00:18:45 : Nous sommes montés à Paris toujours avec des fausses cartes bien entendu et au bout de quelques jours j’ai commencé à chercher, à aller voir aux différents endroits, voir qu’il n’y avait pas un émissaire, mais je voyais jamais personne venir de Normandie. Un beau jour j’ai dit à mon copain je repars en Normandie je sais qu’il faut descendre à Bernay, prendre une voiture postale, le gars qui mène la voiture il est d’accord pour nous aider et il va m’emmener dans un endroit où nous sommes déjà allé et je vais essayer de savoir ce qu’il s’est passé. Et je prends l’autobus pour aller vers la gare de Saint-Lazare pour partir en Normandie et en cours de route, c’est dommage si ça se trouve un pauvre garçon m’attend là-bas et qui fait le pied grue j’ai encore le temps de faire les deux d’y retourner et de repartir sur la normandie alors j’y suis allé et bien entendu au métro Saint-Germain-des-Prés comme d’habitude j’ai vu personne venir et j’allais repartir quand est arrivé enfin un gars ! malheureusement il n’arrivait pas de Normandie, lui il arrivait de Lyon et s’appelait Duquesne, son faux nom, mais je lui dis qu’est-ce que tu viens faire ? il me dit je viens en renfort paraît que vous avez besoin de renfort ? A cela je lui réponds non ça serait plutôt l’inverse, j’avais dit bon tu peux te débrouiller pour ce soir il me dit oui pour ce soir je me débrouille. Je vais chez des amis de ma famille et je vais donner rendez-vous pour le lendemain mais certainement pas à cet endroit-là. Le sol commençait à me paraître bien chaud aux pieds.

00:21:43 : Et puis je suis parti au seul domicile que je connaissais rue du Vivier l’hôtel moderne c’était où Pontcarral était descendu il avait une amie qui allait devenir sa femme par la suite et je suis allé à l’hôtel et quand je suis arrivé à l’hôtel immédiatement je me suis rendu compte de mon erreur parce que la Gestapo y était et c’est comme ça que j’ai fini ma carrière de résistant. Nous avons été arrêté par l’équipe de Bonny Lafont, Bonny c’était un inspecteur de police qui avait une drôle d’attitude qui a eu en particulier une attitude très équivoque dans l’enquête Seznec il s’était mis au service des Allemands. Il leur a dit si vous voulez moi je monte une équipe et il allait dans les prisons il choisissait des lascars, arrêté par d’autres ou de ses camarades il a fait une espèce de petite Gestapo française appelé La Gestapo Française, ils ont joué un rôle extrêmement néfaste donc eux m’ont arrêté, nous avons été pris en charge tout de suite par la Gestapo allemande qui est venu. Entre temps j’avais deux camarades qui ont été arrêté sous mes yeux, Falun de son vrai nom Goldstein et sa femme était là aussi ils étaient venus à Paris. Madeleine Goldstein a écrit un bouquin qui s’appelle « Nous nous retrouverons » dans lequel il décrit notre arrestation alors eux ils ont été envoyé directement à Drancy étant juif et moi je suis allé à Fresnes d’abord je suis resté à peu près 2 mois, j’étais en cellule, c’était très vivant dans la cellule il y avait en particulier un type qui appartenait à la NSKK c’est le service automobile des Allemands, il se vantait d’être allé sur le front russe pour apporter du matériel aux troupes allemandes. Ce garçon il est pas resté très longtemps il avait été fichu en prison. Un jour il s’était peut-être attardé un peu dans un bistrot et quand il est sorti de son bistrot il y avait plus de camion il est devenu suspect évidemment, il a été foutu en taule avec nous enfin ça a pas duré longtemps il y a été une quinzaine de jours. On a vu passer aussi un prêtre hollandais qui voulait rejoindre l’Espagne et il y avait aussi un russe c’était un garçon charmant qui était un soldat de l’armée régulière qui avait été fait prisonnier à Minsk au début de la guerre germano-soviétique, il avait appris par cœur mon nom et mon adresse et moi j’avais appris la sienne. Je suis encore capable de vous l’indiquer. Et pendant des années après la guerre j’ai cherché à savoir ce qu’il était devenu je n’ai pas su et il y a 2 ans étant à Clermont-Ferrand l’occasion m’était donné de rencontrer une jeune russe.

00:28:27 : Alors ce soldat russe, nous sommes arrivés à fabriquer une langue tous les deux il connaissait pas le français je connaissais pas le russe évidemment, on connaissait l’un et l’autre trois ou quatre mots d’allemand et à partir de ça on est arrivé à faire une langue et on parlait des journées entières au grand dam d’ailleurs de l’autre camarade qui était dans la cellule et qui s’appelait Garnier Max Garnier qui était de La Rochelle lui il nous disait vous avez fini de parler, lui il aurait voulu qu’on fasse autre chose évidemment il s’ennuyait et puis au bout de 2 mois un jour j’ai été appelé et je suis parti sur Compiègne. J’ai jamais plus eu de nouvelles de Pavel Bigarelle (orthographe à vérifier) par contre j’ai vu quelques jours après arriver Max Garnier qui lui aussi a été déporté dans le même convoi que moi.

00:29:36 : Convoi qui est parti le 6 avril 1944 depuis Compiègne et nous sommes allés jusqu’à Mauthausen. On était déjà 100 dans le wagon mais la porte ouverte tout d’un coup s’encadre un grand gaillard entre les deux portes et nous tient ce langage : si vous essayez de vous évader nous tirerons dans les wagons et vous serez mis entièrement nu pour faire le voyage. Il faut vous dire que le matin on nous a rassemblé de très bonne heure et je m’étais mis avec un copain qui s’appelait Calinon de son vrai nom qui était du Jura et qui finalement a terminé sa carrière à Annemasse en Savoie et tous les deux on va se mettre ensemble on va tenter la belle. Dans le camp nous avions vu un garçon il en était à sa troisième tentative d’évasion il avait le bras maintenu par une attelle parce que la dernière fois il s »était mal reçu et s’était cassé le bras et les Allemands le garder dans le camp et nous a dit vous verrez il y a des gars qui ne voudront pas s’évader alors méfiez-vous on avait essayé de se rassembler pour la plupart d’accord pour tenter l’évasion. On nous avait expédié la veille au soir dans le camp 3, c’était un camp qui servait comme ça quand il y avait davantage de prisonniers dans le camp et là j’allais dans ce camp pour faire une corvée. Un jour on m’avait demandé j’ai été désigné pour une corvée et nous sommes partis vers ce camp, le gars qui nous accompagnait, la sentinelle allemande, il était tout seul alors il nous a fait comprendre rapidement qu’on avait rien à craindre de lui et puis on est arrivé là-bas il nous a dit de nous asseoir, et il a parlé avec un alsacien parmi nous et il lui a dit mais les gens qui sont là ne savent pas où on va les envoyer, on va les envoyer dans les camps de concentration. C’était pas la première fois que j’entendais parler de camp de concentration mais c’est la première fois que j’entendais parler d’une façon aussi directe et aussi proche et nous on est revenu au camp il y avait des prisonniers qui voulait pas entendre ce qu’on leur disait on va aller dans un camp qui va être un camp terrible oh mais faut pas tout écouter la nature humaine est faite ainsi on va parfois se rassurer soi-même.

Il disait mais non mais non maintenant on a fait notre devoir, ce qui avait été résistant parce qu’il n’y avait pas que des résistants et on n’a rien à craindre, entre nous on disait ils se rendent pas compte nous on avait déjà des nouvelles de mon organisme de résistance nous avions eu des témoignages parvenus, des témoignages écrits de gars qui nous disaient ils étaient je sais plus dans quel camp c’était Dachau ou Buchenwald il disait que c’était épouvantable.

00:35:15 : Et alors nous nous sommes rassemblés la veille au soir on a essayé de se grouper et de façon que dans le wagon il n’y ait que des volontaires pour l’évasion mais les Allemands n’étaient pas fous le lendemain quand on était sur les rangs ils faisaient avancer un rang ils ont coupé comme on coupe les cartes quand on joue aux cartes et de ce fait j’étais séparé de mon ami Calinon.

00:35:57 : Nous sommes partis le 6 avril de Compiègne, le 6 avril 44. Tout d’un coup on a entendu Taka Taka Taka Taka Taka il y avait des coups de feu qui étaient tirés dans les wagons et le train a ralenti tout doucement jusqu’au point où il s’est arrêté et nous étions à ce moment-là arrivés tout près de la frontière allemande et là on nous a dit de nous déshabiller entièrement on a continué le voyage on était tout nu. On était sur un quai de gare il y avait des trains normaux et y’avait des gens tout ahuris qui nous regardait par les fenêtres, de voir ainsi cette nudité inattendue et puis après on nous a fait remonter et alors qu’on était 100 par wagon avant qu’il nous compte, au fur et à mesure qu’on passait devant les nazis ils nous frappaient de telle sorte qu’on a tenu à 100 dans une moitié de wagon. Et puis le train est reparti et il était plus question d’évasion, ceux qui avaient réussi à apporter quelques outils les ont perdu et puis de toute façon on était complètement nu alors s’évader nu…et puis on avait franchi la frontière allemande.

00:38:40 : Le train est reparti, on a mis 3 jours pour arriver à Mauthausen, on était tout près de Mauthausen moi j’étais pas loin du vasistas et on a pu engager la conversation avec des prisonniers qui étaient là et quand on leur dit mais on va loin comme ça ? on voudrait bien arriver ils ont répondu : si vous saviez où vous alliez vous seriez moins pressé, ce qui prouve que Mauthausen c’est bien connu. Nous sommes arrivés à Mauthausen, on nous a fait débarquer à toute allure en nous frappant il y avait des chien qui aboyait, les SS aboyaient, et là nous avons gravi les 5 km pour aller au camp et puis nous sommes arrivés à Mauthausen, entre-temps on nous avait redonné quelques vêtements civils juste pour faire le voyage, pour la rentrée au camp et dès qu’on est arrivé au camp on nous a donné une chemise.

00:40:39 : On a effectué 15 jours de quarantaine. Les blocs de quarantaine vous avez vu, vu que vous avez l’album, vous avez vu comment ça se passait, y’avait des sortes de matelas qui était le long de la grande pièce dans lesquelles nous étions et le soir on les étendait et on dormait tête bêche, on avait les pieds du copain qui nous grattait le nez c’était épouvantable comment on nous donnait pratiquement que de la soupe on avait évidemment besoin souvent d’aller au toilettes et la nuit c’était dément parce qu’on trouvait pas sa place, on faisait des grognements parce qu’on dérangeait les copains. Et puis pour réintégrer l’emplacement exacte où on était auparavant c’était toute une histoire et ça s’est passé comme ça pendant une bonne quinzaine.

00:42:30 : Entre-temps on nous a donné des vêtements abandonnés et nous avons connu la grande spécialité de Mauthausen qui était l’escalier au 186 marches on a descendu la carrière on a fait prendre des pierres, nous faire remonter, il fallait les choisir pas trop petite les SS veillaient à ce qu’on ait des pierres assez lourde, on grimpait, on redescendait comme ça pendant plusieurs jours.

Au bout d’un certain temps je crois que c’est 3 semaines il me semble long nous a fait partir pour le camp de Melk, se trouve à peu près à 70 km de Mauthausen, en direction de Vienne. J’aurais dû consigner tout ça mais je l’ai pas fait. Nous sommes arrivés à Melk. A Melk, nous sommes enfermés nous-même c’est-à-dire que contraint et forcé on nous a fait mettre des piquets mettre du barbelé.

A Melk, il était prévu de nous faire construire une usine souterraine, à ce moment-là l’aviation allemande écrasait tellement toute l’industrie allemande qu’ils avaient imaginé de faire des usines souterraines qui seraient pratiquement, qui pourraient pas être atteintes par les bombes des alliés.

00:44:50 : J’y ai travaillé un certain temps à la mine et un beau jour, on allait demander le charpentier qui avait intérêt à être charpentier moi j’étais au premier rang vu ma petite taille j’ai levé la bras, et les premiers temps ça a été dément parce qu’on installait des pontons d’embarquement et de débarquement c’était vraiment très très dur comme travail. Et puis quand le ponton était terminé on nous a envoyé le groupe auquel j’appartenais a été envoyé à Amsteten [orthographe à vérifier] Et là on a travaillé dans une scierie, les conditions n’étaient pas merveilleuses mais ça allait quand même mieux que la mine.

00:46:30 : Et nous sommes arrivés au mois de mars et au mois de mars l’aviation allier est devenue maîtresse entière du ciel les avions passaient on voyait pratiquement plus d’avion allemand et un jour l’usine était tout de suite en rapport avec le tracé ferroviaire, la ligne de chemin de fer était de l’autre côté de la palissade et notre capot une belle salope a réussi à communiquer aux sentinelles la trouille qu’il avait. Tout le monde avait la trouille. Être pris sous un bombardement aérien c’est épouvantable. Et il a dit au sentinelle il était complètement apeuré, ça faisait drôle de voir cet homme qu’on avait vu d’une brutalité inouïe, il donnait des coups à tout le monde et là d’un coup il avait l’air d’un enfant peureux, il a réussi à transmettre sa trouille aux sentinelles et les sentinelles nous ont emmené dans un petit bois à 500 mètres de là et dès qu’on est arrivé dans le petit bois on a vu que les bombes se détachaient des avions, des forteresses volantes qui étaient arrivées et ya eu un bombardement pendant une bonne heure et quand le soir nous sommes repassés devant l’usine celle-ci n’était plus qu’un tas de décombres normalement on aurait dû tous périr là-dedans d’ailleurs il y avait à l’autre extrémité de la ville un camp où il y avait des déportés femmes et il y avait plusieurs de tuer. Dont une dame qui était directrice de l’école des aveugles à Villeurbanne et elle a été tué là.

00:49:15 : Après on est rentré à Melk où nous étions à une caserne et on nous a fait revenir après pendant à peu près un mois, un mois et demi soi-disant pour remonter l’usine mais c’était impossible. Les dégâts était trop nombreux alors tout est désorganisé là, y avait plus plus de toilette, la nourriture était devenue problématique et puis ça durait comme ça pendant 5 semaines et puis ensuite on a été envoyé sur Ebensee, une très jolie cité dans la région des lacs autrichiens, une région splendide, le paradis, l’Enfer dans le Paradis et là on nous a fait travailler. Moi j’ai travaillé au bord d’un lac le plus pénible c’était le trajet parce qu’on avait des claquettes aux pieds et au bord du lac je me souviens même plus quel travail on faisait exactement. On avait très très peu de nourriture, et comme ça on est arrivé aux alentours du 5 mai et le chef de camp Gantz a fait réunir tous les déportés sur la place d’appel et nous a dit les Américains, nous allons livrer bataille, vous allez aller dans les galeries de la mine là vous serez en sécurité. Le mot d’ordre avait circulé : il faut se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Les galeries de mine étaient remplies d’explosifs tout aurait sauté.

00:52:15 : J’ai jamais pu bien définir si ça avait été un véritable SS ou si il avait été incorporé de force dans les SS, c’est lui qui a prévenu les camarades du comité clandestin qui fallait pas aller dans les mines et on a tous dit non et on a vu Gantz et son état major qui partaient en reculant, quitter le camp on les a plus revu. J’ai jamais revu Gantz. Mes camarades l’ont revu une vingtaine d’années après parce qu’il avait été découvert, il était directeur d’une usine très importante, ces gens avez ramassé des fortunes sur notre dos. Il est passé devant le tribunal, j’ai des copains qui sont allés comme témoin, Jacques Henrière en particulier dans le père a été exécuté. Gantz a fait valoir son état de santé, il est mort l’année suivante à la suite d’un cancer. En tout et pour tout je crois qu’il a fait une dizaine de jours de prison et c’est quand les SS sont partis ils ont été remplacé par la Golsturm, vieux réserviste qui n’était pas trop méchant et puis des jeunes de la jeunesse Hitlérienne qui était pas bien marrant.

00:54:21 : Au bout de quelques temps, un jour le 6 mai, le camp centrale de Mauthausen a été libéré le 5 mai mais nous le camp l’Ebensee a été libéré le 6. C’est des Américains qui patrouillaient qui ont découvert par hasard tout d’un coup ce camp. Ils avaient deux petits chars et ils sont rentrés dans le camp et je revois encore la coupelle d’un des chars qui s’ouvre, et l’américain qui dit : vous êtes libre et la guerre est finie. Après nous sommes restés c’était une débauche de joie, délirante.

00:55:48 : La plupart du temps les sévices étaient surtout exercées par le personnel, par les chefs de blocs, les capots, tous les gens qui appartenaient à la hiérarchie, il y avait une hiérarchie dans le camp, ceux qui nous commandaient étaient au même état que nous. Parmi eux, il y a eu des gens extrêmement sympathique et en particulier je pense à lui, Martin, il avait été arrêté en 1933, toute sa famille y était passée, il a retrouvé l’inspecteur de police qu’il l’avait arrêté, j’ai pas besoin de vous dire que celui-ci n’a pas vécu bien longtemps il est mort dans des conditions épouvantable. C’est un peu logique.

00:57:16 : On est resté dans le camp 3 semaines et puis au bout de 3 semaines on est parti, pour la plupart avec des camions conduits par des noirs américains et nous avons été mis dans un gros camion. Les Américains nous ont stoppé et j’ai jamais très bien compris ça, pourquoi ? c’était 3 allemands civils qui conduisaient le camion, les Américains nous ont fait prisonnier.

Moi je connaissais pas l’allemand et le peu d’anglais, n’ayant plus la pratique, j’ai beaucoup oublié et je faisais pas parti de l’Etat Major. Il y avait quand même parmi nous des personnes qui avaient plus d’autorité que moi qui étaient encore un déporté de la base. Il était convenu qu’on pouvait repartir avec le camion et nous sommes installés à 3, il y avait Gilles, le commissaire Gilles qui était dans le camion il y avait Julu un gars de Nancy qui a dit moi je suis capable de conduire le camion et moi même. Et dans la cabine on a découvert les provisions que les Allemands avaient prévu, on en a passé au copain. Nous avons traversé Nuremberg.

Partie 2

00:10:14 : Nous avons rejoint nos camarades à Ulm qui si je me trompe pas est une grande bataille de Napoléon on s’est retrouvé comme ça par hasard au milieu de tout cette Allemagne qui était dévastée et tout d’un coup on a retrouvé à Cologne, dans une caserne, endormi, et les prisonniers de guerre, il y avait des STO, il y avait différents français qui voulaient rentrer aussi et qui me disaient faut suivre l’ordre d’arrivée, on a dit non non nous d’abord parce que on a des camarades qui sont dans des états qui sont pitoyables et on a pas eu trop de peine à obtenir les places et nous sommes repartis en direction de la France. Les Américains ont fourni de la nourriture mais personnellement je me suis gardé dit toucher parce que j’avais eu la chance d’avoir dans mon enfance d’être en contact avec un ancien prisonnier de guerre français qui avait été prisonnier pendant la guerre et qui m’a dit mon petit gars si jamais un jour tu es prisonnier ne te jette pas sur la nourriture. Remets-toi doucement parce que autrement tu risques d’y passer. On a vu des gars qui sont morts d’indigestion. Vous savez les Américains nous donnaient ce qu’ils avaient.

00:02:48 : Nous sommes arrivés comme ça juste jusqu’à la frontière française et puis quand nous sommes passés à Metz j’ai un copain qui m’a dit ils servent de la soupe sur le quai je suis parti avec ma gamelle, mais en cours de route j’avais la dysenterie et j’ai renoncé. Je suis arrivé à Paris. J’avais conservé ma veste de déporté. J’ai sillonné Paris. J’ai été dans différents coins j’ai été voir des amis de ma famille des gens en particulier qui connaissaient bien ma mère et qui connaissaient le gars qui m’avait introduit dans la Résistance ils étaient d’ailleurs effondrés de voir dans l’état physique dans lequel je me trouvais. Il m’est arrivé quelque chose de curieux j’arrivais pas à me payer quoi que ce soit à Paris avec ma veste rayée j’étais chez le coiffeur le coiffeur me dit non vous payez pas j’étais dans un bistrot, payez pas.

00:04:28 : On était tous logés en principe à l’hôtel du Lutetia, moi j’ai pas pu coucher à Lutetia, nous sommes allés dans une école où il y avait des braves gens qui avait installé des lits de fortune et c’est là que nous avons dormi deux nuits et puis le lendemain on est reparti moi je rejoignais ma famille à Angers je dois dire aussi qu’à Leibonze (orthographe à vérifier) quand on a été libéré on est arrivé au bout de trois quatre jours on a vu arriver un capitaine français, son père malheureusement avait été tué dans les derniers jours de la déportation et il repartait vers la France il nous a dit si vous voulez écrire pour votre famille alors j’ai fait une lettre pour ma mère hâtivement et elle l’a reçu c’est le premier mot qu’elle recevait de moi depuis notre arrivée à Mauthausen parce que à Mauthausen on nous a fait envoyer une carte postale de façon à marquer notre adresse parce que ça faisait venir des colis, des colis qui nous était raflé bien entendu.

00:06:22 : Nous sommes arrivés à Angers, on nous applaudissait il y avait plusieurs mois que la ville avait été délivrée alors c’était pas sensationnel c’était pas une grande fête on a été accueilli et puis j’ai retrouvé ma famille. Et puis après j’ai repris du poids doucement.

00:07:18 : Le rapport au retour, amical de Mauthausen, lien avec les compagnons.

00:07:40 : Il y a quelques années il y a un jeune qui m’a posé une question est-ce que vous avez un suivi psychologique ? les suivis psychologiques il y en avait pas à cette époque-là c’est pas dans les mœurs mais comme j’étais remonté assez rapidement à Paris je voyais beaucoup de mes camarades, nous nous réunissions assez souvent et on parlait du camp, ce qui pouvait pas en parler ça devait être très dur. Dans les déportés il y a ceux qui en parlent tout le temps et il y a ceux qui n’en parlent jamais. Il y a ceux qui en parlent un petit peu de temps en temps.

00:09:00 : Aimeriez-vous évoquer un épisode particulier de cette expérience ? vous pourriez éventuellement nous parler d’Antonin Pichon au camp de Melk…

00:09:26 : Il y avait le chef de camp qui s’appelait Ludolf, il y avait les capots, les chefs de bloc et toutes sortes de bureaux qu’il y avait et Antonin Pichon était secrétaire de ce bureau, il a contrecarré à plusieurs reprises l’oeuvre néfaste de Ludolf. Il a obtenu une foule de choses. Il a obtenu des docteurs français, il y a eu des chefs de bloc français, il y a eu des capots français dont l’un d’eux s’appelait Blanchard c’était mon capot mais j’ai eu beaucoup de reconnaissance vis-à-vis de ce garçon qui s’est dévoué d’une façon formidable car il ne s’appelait pas Blanchard mais Rozenne (orthographe à vérifier) et était juif comme Pichon, Pichon son véritable nom c’est André Uhlman. Il avait été arrêté ici à Lyon il était auparavant dans un camp de prisonniers en Allemagne, il était avec Mitterrand. Ils sont revenus tous les deux et Pichon était rentré dans un organisme de résistance et était chargé en particulier de miner le moral des troupes il connaissait bien l’allemand, mais il pensait bien qu’à ce petit jeu il était assez rapidement repéré il a été arrêté il a été au fort Montluc et il a été condamné à mort. Il y a eu une embrouille il y a eu une confusion entre deux personnes peut-être que quelqu’un a été fusillé à sa place je sais pas en tous les cas lui en est sorti vivant il a été expédié avec nous à Compiègne d’abord et ensuite à Mauthausen. Et les deux personnes qui avait été arrêté en même temps que moi les Golsteins ils ont été déporté et sont restés plus longtemps que moi je sais plus dans quelle prison. L’instruction a duré pour eux plus longtemps que pour moi, ils ont été déporté au bout de 4 mois ils ont été déporté à Auschwitz, dans des conditions affreuses que vous connaissez, je les ai revu après la guerre c’était des bons copains et nous ils nous racontaient ce qui s’était passé pour eux ils avait été séparés bien entendu.

00:14:00 : Et quand il est revenu, il arrive à Lutetia, on donnait un petit compte-rendu de ce qui s’était passé il donne son vrai nom et dit j’ai été arrêté en même temps que ma femme Madeleine, Madeleine elle est certainement plus de ce monde maintenant, il est revenu si peu des gens d’Auschwitz. Il dit mais comment elle s’appelle elle s’appelle Madeleine Goldstein on en a vu une certaine Madeleine Goldstein ces jours derniers Ah bon regarde Madeleine Goldstein. Elle repartait pour Lyon ils avaient une petite fille, et le lendemain il se sont rencontrés dans le hall de Lutetia. C’est un des cas exceptionnel de couples qui se retrouve.

Souvent on me dit quel est le souvenir le plus pénible le plus atroce ? c’est quand un soir un copain me dit va voir du côté du bloc 6 c’est épouvantable, alors j’y vais et il y avait des gosses 6 ans, 7 ans, 8 ans, des petits juifs qui à Auschwitz avait été libéré, ils étaient arrivés à notre camp, de voir ces gosses qui était dans un état d’épuisement. Et encore ils ont eu de la chance parce que grâce à Pichon, ils ont été aidé malgré les SS et tout. Je me suis retrouvé dans une maison de repos à La Baule, il est parti pour l’Amérique et toute sa famille avait été décimé et un oncle qu’il avait en Amérique lui a dit de venir alors il est parti là-bas on s’est écrit 2 fois peut-être et puis la vie passe et je sais pas ce qu’il est devenu.

00:17:17 : À quel moment avez-vous pu parler de cette expérience ?

Moi j’en ai toujours parlé.

Souhaiteriez-vous retourner sur les lieux de votre déportation ?

00:17:56 : J’y suis retourné à plusieurs reprises. Mon premier mariage n’a pas été très heureux nous avons divorcé avec sa maman, celle-ci est partie en Suisse. Le gosse a appris très rapidement l’allemand et même le patois Balois qui se confond avec le patois alsacien j’ai pu le constater quand on était une fois en Alsace tous les deux il m’a servi d’interprète avec une dame qui comprenait pas un mot de français et lui il a parlé avec le dialecte suisse qu’il a d’ailleurs complètement oublié maintenant. Il a parlé avec elle.

00:19:23 : Et votre fils est allé à Mauthausen sans vous ?

Il est allé sans moi. Il était donc aller en suisse et sa mère est revenue en France, du coup moi qui occupait l appartement je leur ai dit, la crise du logement, je vous laisse l’appartement je vais me débrouiller, et le fils est rentré à l’école française où malgré tout ce qu’a pu dire sa mère, le gosse était en train de perdre tout son allemand car les méthodes suisses et françaises sont différentes, il était un peu bousculé. Alors je m’en ouvre à notre secrétaire général, j’ habitais Paris je suis à Lyon depuis 68, au mois de juin, j’habitais dans les derniers temps à Sarcelles dans le Val-d’Oise et j’en parle à mon copain qui était le secrétaire général de l’Amicale de Mauthausen je lui dis tu connais pas quelqu’un en Allemagne je peux envoyer mon gosse je voudrais pas l’envoyer chez un ancien SS. En Allemagne je vois pas mais en Autriche je vois, il me dit si tu veux il part avec nous à telle date et en effet le gosse est allé là-bas il était dans une famille, il a été traité comme un petit roi je l’ai retrouvé un mois après il a pris trois ou quatre kilos entre-temps, il a visité avec mes amis Mauthausen alors que moi je n’étais pas encore retourné. Il n’y a pas dû avoir beaucoup de cas comme ça.

00:23:20 : Qu’est ce que ça vous a fait quand vous êtes revenus dans ces lieux ? Qu’est ce qui s’est passé ?

00:23:34 : Je peux pas vous dire ce qu’on ressent, d’un seul coup, tous les souvenirs vous remontent à l’esprit. J’étais abasourdi, après je suis retourné à plusieurs reprises, j’y suis retourné deux fois j’y suis retourné comme accompagnateur une fois avec un lycée de Mâcon, une autre fois avec un lycée de … à côté d’Arcachon et j’étais tout seul je pouvais raconter tout ce que je voulais mais malheureusement je leur ai dit moi je vais vous parler de Mauthausen moi ce que j’aurais aimé c’est allé avec vous à Melk, c’est surtout à Melk que j’ai mes souvenirs. Mes souvenirs sont surtout de Melk les copains que je me suis fait ça a été à Melk, très jolie petite ville, c’était dominé par une abbaye. C’est très renommé.

00:25:44 : Je voudrais dire quand même une chose c’est vous parlez des dégâts à Mauthausen on travaillait au service photographique des SS qui ont réussi à récupérer des pellicules qui ont été d’ailleurs conservées chez des habitants et ça c’est vraiment un acte de courage parce que ces gens-là si j’avais été pris…on peut pas dire que la population était de notre côté il y avait une minorité. Quand il y a eu la grande évasion de Mauthausen qui s’est produite en février 45, des malheureux pratiquement tous originaires de l’est, ils se sont rendus compte qu’il n’y avait plus rien à espérer alors ils ont tenté une sortie et ils étaient à peu près 500 il se sont pas évadés à 500, est-ce qu’il y en avait certains qui n’avaient pas la force pour escalader et qui servaient de piédestal marche-pied aux autres et toute la population s’est lancée à la poursuite des fugitifs et je crois que ces 7 qui ont réussi à se sauver et encore l’un d’entre eux est revenu à Mauthausen mais entre-temps et s’était procuré d’autres papiers. À Melk nous avons eu aussi un gars qui a réussi à s’évader et il est toujours vivant je crois je pense, il habite Mâcon. Il s’appelle Picornot. C’est tout à fait au début de notre arrivée à Melk il a remarqué que dans une galerie de la mine il y avait des étrangers italiens qui mettaient leur vêtement mais qui était pas déporté ou des volontaires ou des travailleurs libres et qui mettaient leur vêtement qui prenaient des Bleus pour aller au travail. Il essayait de faire venir avec lui un autre garçon de Saône-et-Loire. On avait le crâne rasé, on avait une raie au milieu, il n’y avait pas encore de barbelé pour entourer l’entrée de la mine, et il est passé entre deux sentinelles.

00:31:06 : Jacques est mort depuis plusieurs années et sa femme est morte il n’y a pas tellement longtemps et elle a écrit un bouquin qui a pour titre « On se reverra » et un jour un copain m’a dit tiens tu devrais aller au Musée Saint-Pierre il va y avoir une projection ça peut t’intéresser. Je pars là-bas sans idées préconçues, c’était un garçon fort connu Rottman qui présentait il fait passer une vidéo, un film et qu’est-ce que je vois apparaître ? mon copain Falin (orthographe à vérifier) et après on me présente sa femme il me raconte leur histoire justement j’étais en train d’écrire à leur cousin parce qu’ils sont morts tous les deux maintenant je sais pas trop comment je peux joindre la famille parce que figurez-vous le bouquin j’en avais plusieurs qui étaient distribués d’ailleurs par France Loisirs et c’est épuisé. Mon fils est ami avec un de leur cousin, ce sont des gens qui habitent à Cagnes-sur-Mer je leur ai téléphoné ils étaient un peu méfiants au départ, -de quoi s’agit-il ? je leur explique en gros, je leur ai écrit, de façon qui transmettent ma lettre aux enfants, ils avaient une fille qui s’appelle Sylvie et quand ils ont été arrêtés il se faisait beaucoup de mouron ils étaient omnibulés par l’idée de leur fille qui était en nourrice à Sainte-Foy dans la région ils se faisaient beaucoup de soucis en se disant pourvu que la Gestapo n’ait pas aller la chercher. Mais ils n’avaient pas de soucis à se faire parce que le service social de notre réseau s’en était chargé et l’avait fait changer de nourrice pour lui éviter que la Gestapo puisse remettre la main dessus.

00:35:20 : Ce que je peux vous dire c’est que parmi les notabilités qu’il y avait au camp à Melk j’ai pas connu mais j’ai vu son corps c’était le deuxième mort de Melk c’était le beau-père de Giscard d’Estaing, le commandant de Castres et puis quelqu’un qui est revenu bien vivant le père de Michel Noir qui était avec nous. Le père de Michel Noir, c’était un peu La Providence il était sertisseur de profession, dans les bijoux et là-bas nous avions notre numéro d’inscrit sur la poitrine également sur le pantalon et nous avions de plus un petit médaillon, c’était découpé dans des boîtes de conserve, le numéro était martelé sur la paroi et ça nous était retenu par un petit fil, souvent le fil pétait et le père de Michel Noir il a souvent refait des plaques comme ça pour ceux qui les perdait.

00:38:10 : Il y avait beaucoup de camarades aussi de Villeurbanne, vous savez qu’à Villeurbanne il y avait une rafle Le 1er mars 43, la Gestapo, les Allemands, les nazis avaient entouré complètement un quartier ils ont déporté 150 prisonniers et actuellement il n’y en a plus beaucoup de survivants, ils ont vécu deux hivers. J’ai un camarade à Paris qui s’appelle Jacques Henrié qui a été pendant longtemps secrétaire adjoint de l’Amicale de Mautahausen c’est un bon copain.

00:40:18 : Question de la transmission aux jeunes générations…est-ce que vous pensez que c’est important de transmettre aux jeunes toute cette mémoire de ce qu’il vous ait arrivé ?

00:40:43 : Oui c’est important parce que d’abord ça prouve que la civilisation c’est quelque chose de bien léger c’est une mince pellicule. Il y a un bouquin qui m’avait très impressionné quand j’étais jeune que j’ai lu et relu qui s’appelle « La Case de l’oncle Tom » j’avais lu ça sans penser qu’un jour je serai un esclave et alors j’habitais Saint-Nazaire, Saint-Nazaire a été bombardé, presque rasé, le livre il a brûlé quand la ville a brûlé. Et un jour je vais à Paris je vois les bouquinistes et qu’est-ce que je vois ce livre exactement le même livre je l’ai acheté, m’a pas coûté bien cher et je l’ai conservé et j’indique souvent aux gens lisez la casse de l’oncle Tom parce que c’est un peu oublié maintenant, c’est pas très connu. Il y a une telle similitude entre le destin de ce pauvre oncle Tom, et le notre, c’est terrible l’esclavage.

00:44:01 : Mais je vous dis bien moi j’ai insiste toujours sur le fait que la civilisation c’est très peu de choses, jamais on aurait pensé de vivre pourtant il y a eu la guerre de 14 il y a eu des atrocités sans nom les lances-flamme, tous les moyens de se faire mal mais malgré tout on est dans un pays civilisé.

00:44:54 : Et j’ai lu dans le journal d’aujourd’hui un article. Il y a en Allemagne, un policier d’un grade important qui a été poignardé récemment par un néo-nazi parce que il dénonce les néo-nazi et qu’il a oeuvrait contre eux.

00:45:36 : Notre déportation s’est faite en Autriche qui est par ailleurs un pays magnifique, très pittoresque. Un jour j’ai rencontré une dame dans le train j’étais pas encore Lyonnais, j’étais toujours parisien je faisais le va-et-vient entre Paris et Lyon parce que mon métier m’appelait souvent à Lyon, j’avais un secteur immense je commençais dans les Ardennes j’allais en Corse et je faisais l’Auvergne, et je discutais avec cette dame charmante par ailleurs et puis elle m’a dit moi je suis autrichienne. Vous êtes autrichienne de quel endroit ? un petit pays juste du côté de Melk. Vous m’intéressez ! Ah bon je connais Melk vous avez jamais entendu parler du camp de concentration à Melk ? non j’ai jamais entendu parlé de ça.

00:47:19 : Il y a de nombreuses années un gars de 35 ans, je l’avais connu dans un lycée de banlieue et il avait tenu à ce que j’aille chez ses parents, ses parents qui étaient très intéressants également on a bavardé il m’a dit qu’il était allé en Autriche. Il est allé chez des amis de sa famille, des braves gens pas méchant du tout, et là-bas le monsieur lui a dit un jour tu veux faire une balade en voiture alors ils sont partis et puis tout d’un coup il aperçoit le village de Mauthausen c’est là qu’il y avait un camp alors le monsieur a eu l’air très gêné alors il a pas être gêné à ce moment-là il avait 50 ans cet homme là, on peut pas être responsable, enfin il était quand même très gêné. Oui c’est là où il y avait le camp je l’ai perdu de vue ce garçon. Il a fait l’Institut politique à Lyon il avait tenu absolument à nous inviter c’est lui qui avait fait le repas.

00:49:40 : Moi j’ai parlé devant des Allemands d’ailleurs au CHRD ils m’ont dit après ça vous gêne pas de parler devant, bin, j’ai dit non je leur ai pas dit ça serait vos grands-parents ça serait différent je leur ai pas dit ça mais je leur ai dit qu’est-ce que vous voulez que je puisse vous en vouloir je suis pas anti-allemand je suis en anti-nazi c’est pas pareil.

00:50:32 : Je vous signale pendant longtemps que j’ai été dans les rangs d’SOS Racisme et puis SOS Racisme avec sa permanence au 10 rue Lanterne. C’était au 4e étage en sous-sol comme j’y allais assez fréquemment surtout à cette époque-là, j’étais obligé de les abandonner parce que j’aimais bien SOS Racisme, je suis resté bon copain avec eux et je suis rentré à la Licra où je suis toujours et ils m’ont nommé à la vice-présidence et j’y vais vendredi matin pour mettre le journal sous-bande.

00:52:02 : Une fois où j’étais venu vous m’aviez montré des photos, je suppose d’avant la déportation que quelqu’un que vous aviez connu durant la déportation et vous me disiez que vous alliez faire un petit article sur ce garçon-là.

00:52:20 : Ah oui c’est paru dans la Loi du Maquis et puis je l’ai expédié aussi à Paris ça peut-être paru dans le bulletin de Mauthausen. Ce garçon je savais que je l’avais connu quand j’étais au maquis je me rappelais ni son nom et je le cherchais depuis le retour, depuis 62 ans et puis un jour, parce qu’on a toujours eu une assemblée à la Pentecôte, nous sommes maintenant de moins en moins nombreux, et bien je discute avec le gars qui était à ma droite qui lui même est un ancien résistant il me dit moi j’avais deux frères qu’on été déporté, l’un d’eux était à Dora il est revenu mais il est mort depuis et puis l’autre était à Mauthausen alors là ça a fait tilt, je lui ai raconté mon histoire mais c’était bien ce garçon-là. J’ai posé la question il avait un surnom au maquis il était à Saint-Claude tout le monde le connaissait alors si il avait un surnom ça l’aurait desservi plutôt qu’autre chose alors tout le monde l’appelait Laurent Villepini [orthographe à vérifier].

Sources et compléments d'informations

  • Informations données par le témoin
Bernard, Georges
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