Bloch, Claude

Claude Bloch naît le 01/11/1928 à Lyon, Rhône, France (FR)

Arrestation : Rafle à Crépieux-la-Pape, Rhône - par la Milice

Détention avant déportation :

  • à la prison Montluc de Lyon à partir du 29/06/1944 jusqu'au 22/07/1944
  • au camp de Drancy à partir du 22/07/1944 jusqu'au 31/07/1944

Déportation de persécution (persécution des Juifs) en 1944 :

  • au camp de Auschwitz-Birkenau (arrivée par le convoi 77) jusqu'au 10/05/1945 - libération — matricule B3696

Interventions

2012 / Villeurbanne / collège Môrice Leroux

  • Date du témoignage : 02/02/2012.
  • Contexte : Témoignage devant des élèves de collège.
  • Source : AFMD du Rhône (publication le 20/02/2023)
  • Date d'ajout à la base : 06/03/2023
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Ceci est la transcription brute du témoignage de Claude Bloch, sans coupe, sans montage.

Partie 1

Pas de transcription disponible actuellement.

Partie 2

00:01 : Un jour y en a un qu’a trouvé le moyen de crier « à poil », évidemment ça a été le branle-bas de combat, et .. qu’est ce que c’est ? enfin ça s’est tassé . Mais voyez , toujours garder un esprit ( ?), on est obligé, parce que comme je dis, le seul truc qu’on pouvait faire pour essayer de survivre – on pouvait rien faire, y avait les sélections, la nourriture qu’était pas suffisante – la seule chose qu’on pouvait essayer pour se maintenir, c’était de garder le moral. Je l’ai dit tout à l’heure, il ne m’est jamais venu à l’idée que je pouvais mourir. Mais il y en a qui se sont suicidés, qui s’approchaient exprès des barbelés parce qu’ils en avaient marre, par exemple. Ça arrivait, des détenus qui étaient complètement…. Voilà..

… Garder le moral, le reste ça dépendait pas de nous : manque de nourriture, bon ben on tombait parce qu’on était épuisé, sélectionnés, on pouvait pas faire autre chose que de suivre, voilà.. donc on n’avait rien sur notre destin, on n’avait aucune prise.

01:06 : Question du public : Est-ce que vous avez compris pourquoi vous avez été arrêté ?

01:11 : Ben j’ai compris parce que j’étais juif, ça suffisait.

J’avais commis le crime épouvantable d’être né juif.

01:17 : Question : Et pourquoi à un moment donné, on a su que vous habitiez à cet endroit là et qu’on est allé jusqu’à chez vous ?

01:24 : Alors ça j’ai jamais su exactement.

Ce que j’ai su après guerre, c’est que quand ils sont arrivés, c’était chemin Bellevue à Crépieux, maintenant c’est chemin Victor Basch, de la route on voit la maison  et de chaque côté il y a d’autres maisons ; il paraît qu’ils seraient venus directement dans celle où on était. Alors après ça, concluez.. Est-ce qu’ils nous avaient suivis, est-ce qu’on a été dénoncés, je ne sais pas.

Pour l’appartement de mes grands-parents, oui je sais ; je sais que ça été dénoncé comme quoi il était occupé par des juifs, je sais qui c’était, qui est mort maintenant. Jamais eu la preuve formelle, donc j’ai jamais pu rien dire, mais bon, je sais qui c’est, c’est un monsieur qui travaillait à la compagnie des eaux, au guichet ; j’ai eu une démarche à faire en 46 peut-être ; pour l’eau, je tombe sur lui, je savais encore lire à l’époque ; bon il me fait mon papier et de ce jour là – il habitait sur cour dans un autre immeuble – de ce jour là il est rentré chez lui, il a baissé ses stores, on l’a jamais revu dehors… On en conclut ce qu’on veut. Mais c’est pas une preuve.

02:41 : Question : Vous l’avez encore votre étoile ?

 02:43 : Oui je l’ai encore, je l’ai toujours ; je l’ai gardée

02:51 : Question : Ceux qui sont venus vous voir dans la villa, c’étaient des Allemands ?

02:58 : C’étaient des miliciens ; y avait Touvier, il avait 29 ans à l’époque Touvier

03:04 : Et le propriétaire, s’il avait menti ?…

03:07 : Alors le propriétaire, et bien il l’a échappé belle, parce que normalement, ceux qu’on appelle les Justes maintenant, c’est à dire les gens qui ont caché des juifs – là il nous avait loué l’appartement – mais enfin on était chez lui quand même et il était pas censé ignorer qu’on était juifs, et normalement il risquait le même régime que nous ; le fait d’avoir caché des juifs, c’était un crime abominable, pour le Dieu des Allemands. Donc c’est ce qu’on appelle maintenant les Justes, ceux qui ont vraiment caché des juifs, ils ont une médaille, souvent après leur mort, on la donne aux héritiers, mais enfin voilà..

03:49 : Et le fait que vous ne vous soyez pas déclaré comme juif, vous n’avez pas eu des réflexions

04:00 : Ben c’est à dire qu’ils l’ont peut-être su au moment où on a été arrêtés ; mais avant ils ne savaient pas, vu qu’on avait pas le tampon juif sur nos cartes d’identité.

Moi, je n’ai jamais fait voir ma carte d’identité Bloch ; à l’époque j’ai eu la chance, j’étais pas encore à Crépieux, j’ai jamais eu de contrôle d’identité dans la rue ; il faut dire que quand je sortais de la Martinière, je ne trainais pas, et les copains devaient se demander pourquoi j’étais si pressé de partir.

04:26 : La Martinière ? vers les Terreaux ?

 04:27 : Oui, vers les Terreaux, il n’y avait que celle-là à l’époque.

Pourquoi je partais vite ?

Parce que j’avais peur qu’un copain, tout d’un coup ait quelque chose à me dire et m’interpelle : « Hé BLOCH ! » et qu’à ce moment là il passe quelqu’un… On ne savait pas qui passait dans la rue ; donc je ne restais pas avec les copains, je partais comme un voleur ; ils ont dû se demander souvent, les copains, pourquoi je partais si vite.

04:49 : Et la Milice ne vous l’a pas reproché çà ?

04:51 : Oh non ; non mais ils ont regardé ma carte d’identité, ils l’ont regardée d’un peu plus près ; ils ont souri… comme de toute façon ils nous emmenaient, ils m’ont très vite remis mon nom. Ici j’étais enregistré sous le nom de Bloch, il n’y avait pas de problème..

05:07 : Et en tant que juif pendant la guerre, que saviez-vous de la situation des juifs en France et dans le reste de l’Europe ? Est-ce qu’à ce moment-là, vous saviez…

05:19 : Moi à l’époque… j’ai été arrêté, j’avais 15 ans ; à la déclaration de guerre, j’avais 11 ans, donc finalement, je savais qu’on était en danger, on me l’avait dit dans ma famille, donc c’est pour ça que je partais si vite de la Martinière… Bon, j’y pensais pas toute la journée ; il faut dire une chose, au sujet de l’étoile jaune : cette étoile jaune a été imposée en zone occupée, zone Nord, à tous les juifs à partir de l’âge de 6 ans. Elle n’a jamais été imposée en zone sud, même quand les allemands sont venus l’occuper. De ce côté là, le gouvernement de Vichy n’a jamais été d’accord pour obliger les juifs à porter l’étoile jaune, et en zone sud, elle n’a jamais été obligatoire. L’autre jour, une dame m’a dit le contraire, qu’elle avait vu des jeunes filles qui avaient l’étoile jaune et que c’était obligatoire ; elle ne veut pas en démordre, je veux bien, mais ça n’a jamais été obligatoire..

Alors quelques uns en ont porté, à titre de provocation…. Mais ça n’a jamais été imposé ici.

06:30 : Justement comme vous parlez de l’étoile jaune  c’est à Paris que ça s’est passé si je me souviens bien, des jeunes gens amis avec des juifs..

06:40 : Voilà, qui mettait une étoile jaune avec une inscription dessus, je ne me rappelle plus laquelle, mais effectivement, c’était signe de résistance, des gens qu’étaient pas juifs mais qui se mettaient une étoile jaune.

07:02 : Ils ont été arrêtés je crois.

07:03 : Oh, peut-être, ça je ne sais pas… c’était de la résistance ; de toute façon ils risquaient autant que ceux qui mettaient des affiches ou qui transportaient des journaux. C’était le même risque, c’était plus voyant donc ils prenaient plus de risques.

En zone nord par exemple, les jardins publics étaient interdits aux enfants juifs, les squares étaient interdits ; dans le métro le juifs n’avaient droit qu’au dernier wagon. Tout ça, ça n’a pas existé ici en zone sud

07:34 : Vous avez parlé de votre passage à Montluc, donc là où nous sommes et vous avez été d’abord en cellule et ensuite amené à la baraque des juifs…

J’ai été une nuit en cellule

Juste une nuit… Est-ce que ça vous surprenait à ce moment là d’être mis dans un espace à part ; est-ce que dans la baraque aux juifs, il n’y avait que des juifs ?

07:51 : En principe oui.

Mais il paraît qu’il y avait tellement de monde que quand il n’y avait plus de place ailleurs, ils mettaient quelques résistants aussi avec nous. Mais enfin c’était surtout des juifs.

08:02 : J’ai connu un monsieur, hélas il est décédé maintenant, Sirioud, il était dans la cabane…

08:13 : Oui, il y en a eu comme ça, parce que partout c’était plein comme des œufs ; il n’y avait plus de place pour personne.

08:21 : André Frossard par exemple, ne sera pas interné en tant que juif mais en tant que résistant, alors que par sa grand-mère il aurait pu être considéré comme juif, et arrêté pour cela ; il était dans la baraque aux juifs mais en tant que résistant.

08:34 : Ah oui, André Frossard on l’appelait le chef de la baraque, on se rappelle, il se promenait comme ça… effectivement et il est resté à Montluc jusqu’au bout, et il a été dans les 7 ou 8 qui sont restés dans la baraque.

Parce qu’à la fin, il en restait 7 ou 8… A la fin, enfin Monsieur vous l’expliquera mieux que moi puisque j’étais plus là, entre le 17 et le 21 août 44, il y a eu des choses horribles qui se sont passé là et finalement quand Montluc a été libéré le 24 août, il restait 7 personnes dans la baraque, tous les autres avaient été éliminés.

09:10 : Lisette de Philippis : Je voudrais rajouter une petite chose, Monsieur  [?], il a été arrêté en tant que juif, mais on suppose quand même qu’avec votre père, votre grand-père, il y avait un esprit très républicain ; mais sachez que de nombreux juifs ont fait de la résistance, ça il ne faut pas l’oublier non plus, bien souvent ils ont été arrêtés en tant que résistants, et on ne savait pas que c’étaient des juifs.

Vous avez vu que dans les FTP-Moi, la main-d’œuvre émigrée, beaucoup étaient des juifs, donc il faut bien rétablir ces choses, qu’on ne croit pas que ce sont des gens qui sont restés sans prendre garde, sans se considérer comme français et se battre avec les résistants ; je pense qu’il faut aussi rendre cet hommage de part et d’autre.

 10:37 : Je vous en remercie.

Du reste au sujet de mon grand-père, il était né en 1874 ; en 14 il avait 40 ans, il s’est engagé. En 39 il avait 65 ans, il a trouvé le moyen de s’engager dans la défense passive, c’est à dire que dès 39, dans la rue, avec un casque et une torche, quand les gens n’avaient pas bien obturé leurs fenêtres, il donnait un coup pour leur faire comprendre qu’il fallait obturer leurs fenêtres.

Quand il y avait une alerte, des bombardements, il fallait qu’il sorte pour encore mieux vérifier que les fenêtres étaient obturées ; c’est vous dire qu’il était patriote.

11:17 : Justement une dernière question sur votre grand-père, vous pensez qu’il a été tué tout de suite du fait de son engagement ou.. ?

11:26 : Je pense.. je pense – je n’ai jamais pu en avoir la preuve – qu’il trafiquait « entre guillemets » dans la fabrication de faux papiers… vu qu’il ne sortait pratiquement jamais de la maison, je peux même peut-être dire presque de sa chambre… Je suppose… et je suppose que ma mère était au courant de certaines choses  parce que pour me dire ces 2 choses : pantalon long ou me repousser côté des hommes, je pense qu’elle avait dû avoir certaines informations par un canal quelconque, mais enfin je ne peux rien affirmer de ce côté là.

Compléments biographiques

Juif français, Claude Block a été déporté avec sa mère Eliette Meyer (40 ans) à l’âge de 15 ans à la suite de leur arrestation par Paul Touvier, patron de la milice lyonnaise. Ils ont fait partie de l’un des derniers convois partis de Drancy vers Auschwitz. Il reprend ses études après la libération au lycée de la Martinière et devient comptable. Rescapé de la Shoah, il devient un témoin et donne des conférences dans divers endroits tels que des écoles.

Sources et compléments d'informations

  • Informations données par le témoin
Bloch, Claude
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